La machine du chaos 1

L’irréparable a été commise et contrairement à ce qu’on pouvait penser, ce n’était ni la Russie, ni les États-Unis, ni un pays arabe, ni même la Corée du Nord qui avait agi. Le coup est venu là où on s’y attendait le moins: au bout du monde, en Haïti, parmi ces êtres que tous avaient décidé d’oublier.

Après le séisme du 12 janvier, la situation de ce peuple, qu’on avait décidé d’enfoncer dans la crasse, a détérioré à une vitesse à laquelle personne n’aurait pu oser imaginer. On avait cru qu’avec le tremblement de terre, le pays avait touché le fond et, vu qu’il n’y avait pas moyen de descendre plus bas, un air nouveau allait finalement être soufflé. Mais ici, sur cette terre qui avait donné sens au mot «liberté », l’impossible n’était pas du tout la limite. Aucun gouffre n’a de fond!

Des années après, le peuple avait continué à patauger dans la crasse, mais cette fois, ce n’était pas à cause de la nature, qui impose toujours ses lois aux hommes. Il a fallu que l’impossible devienne possible: que le Président de la merde devienne aussi Président d’Haïti, pour que le point de non-retour soit activé. Une mauvaise blague. L’erreur qu’il ne fallait jamais commettre. La faute ultime. La blague que personne n’aurait prise au sérieux.

Ce qui est fait est fait. Fatiguer de chercher un responsable à la situation du pays, tous avaient espéré que l’impossible vienne encore se mêler à la partie, que pour présider la merde, il n’était pas nécessaire d’en être couvert. Après tout, personne n’était trop exigeant sur cette moitié d’île, mais à ne rien exiger, on finissait toujours par ne rien obtenir. Croire que parfumer la merde pouvait enlever son odeur était un rêve trop grand. Un luxe de plus que les pauvres ne pouvaient s’offrir. 

Comme héritage de leurs ancêtres, des siècles durant, certains des oubliés ont dansé une danse en l’honneur de leurs dieux, méprisés eux aussi par les autres peuples, mais surtout par leurs fils et filles à force d’inculcation de valeurs occidentales. Au son de tambour et comme le vent qui souffle, leurs mouvements avaient été légers, souples, imposant. Et pour châtier ce peuple qui ignorait tout de ce qu’il était, avec les mêmes qualificatifs, le premier scandale est venu. Comme la danse, Pétro avait été son nom et exactement de la même manière dont le peuple n’accordait pas de valeur à sa culture malgré son importance, il avait décidé de ne pas en accorder au scandale aussi.

Et puis il y eut d’autres scandales. Encore… et encore… et encore… Jusqu’à donner l’impression que cela ne s’arrêterait jamais, transformant le pays en une zone de chaos total, un galimatcha infini, un mélange dont personne ne saurait identifier les composants. Et puis, un incompétent de plus est venu, le fils de l’autre. Un inconnu, dont personne n’avait entendu parler avant les élections, qui avait apparemment une plantation de banane capable de nourrir toute l’Île… Une plantation transparente… Impossible n’est pas haïtien !

Et, la situation devint si grave que l’État ne put/voulu faire face aux différentes crises. L’inflation à deux chiffres et les problèmes liés aux ratés de carburant, dû au vote du Président, le fameux bananier, contre un pays amis, mettaient de l’huile sur le feu. Mais en plus, le bananier s’est pris pour le second de Dieu, déclarant qu’après ce dernier, lui seul avait le pouvoir. Comme Jésus répétant que nul ne venait au Père, si ce n’était pas par lui !

Pendant son temps, il a montré un désir obsessionnel de se mettre à dos toutes les classes sociales. Du plus pauvre au plus riche, tous trouvaient au moins une raison de se détourner de lui. Mais cela ne lui a pas suffi, il a fallu qu’il s’attaque aussi :
– aux libertés et aux droits dont disposaient chaque Haïtien;
– aux institutions étatiques et aux différents pouvoirs de l’État;
– et à la Constitution.

Et comme on s’y attendait, la bombe avait fini par exploser, le peuple en a eu marre. Plusieurs mois de crises se sont succédés pour ne plus finir et ensuite, le Président et les représentants de l’ONU, pour une raison qui jusqu’à jour reste trouble, ont décidé de fédérer les gangs. Ils se sont cru brillant, les types, mais les fils du peuple ont commencé à tomber par dizaines. Et ensuite par centaine. Il y eut des massacres dans tous les quartiers populaires. Ça n’en finissait plus. Comme Ésaü, vendant son droit d’aînesse a Jacob, l’État avait décidé de faire dont du monopole de la violence aux gangs et par cet acte, petit a petit, il perdu le controle du territoire Haïtien tout entier.

L’humain à cette fâcheuse tendance de se sentir menacé seulement quand des gens auxquels ils s’identifient sont attaqués. Et en Haïti, les discriminations et les problèmes de classes sont tellement ancrés dans le quotidien des gens qu’on se croirait au XIXe siècle. Tout d’abord, personne ne voulut réagir, mais ensuite, personne ne put ! Les gangs sont devenus ingérable, d’une puissance dont même la police ne disposait pas, enlevant ainsi à cette dernière une grande partie de sa force.  Il y eût encore plus de morts.

Certains se sont dit que les victimes étaient des oubliés, et que de toute manière ses quartiers étaient déjà remplis de gangs bien avant que la situation ne se détériore. Mais ensuite, il y eut pire: ceux qui se croyaient à l’abri du danger ont eux aussi commencé à être victimes. Des bourgeois et des gens de la fausse classe moyenne furent kidnappés, obligés de récolter des fonds, dont certains ne disposeraient plus pendant toute leur vie, pour être libérer. Certains furent aussi sauvagement assassinés. L’État perdit le contrôle sur absolument tout et le pays devint une jungle. Le chaos, cette bête remplie de haine qui avait été nourrie par le Président, le mangea, mais elle ne s’arrêta pas!

Des années après, les gangs atteignirent le niveau qu’ils n’auraient jamais dû atteindre. Ceux qui avaient été financés, protégés et soutenus par l’État au fil des ans sont devenus ceux qui le financent. Qui finance commande, le chaos ne s’arrêta plus, devenant la plus grosse machine de terreur jamais construite. Les citoyens perdirent leur tranquillité, et les mauvaises nouvelles devinrent le quotidien de tous. Chaque jour, des amis ou des parents furent victimes. 

Quand on sait qu’on n’est pas mieux qu’autrui et que la grande raison de toutes ses souffrances se résument en un seul mot : « Haïti », on se dit que forcément à un moment de la durée, ce sera aussi notre tour. Une seule chose était évidente : la machine du chaos allait finir coûte que coûte par entrer dans tous les foyers et dans toutes les institutions du pays, mais bien avant que cela n’advienne, plus rien ne pourra fonctionner…

Et puis, laisser le pays a dépassé le stade de la tendance, pour devenir une nécessité pour tous ceux qui étaient en quête de paix ou de progrès. Jusqu’à aboutir à l’inévitable : seuls ceux qui ne le pouvaient pas (la grande majorité) et ceux qui avaient des intérêts quelconques dans le pays grâce au, ou malgré le chaos étaient restèrent. Les autres, la minorité qui était toujours dans le pays parce qu’ils avaient toujours foi au changement, furent percus comme des fous. Trouver pire que cette situation était quasi impossible, mais encore une fois, on s’était trompé grandement, il y eut pire !

Sans que personne ne sût comment cela a pu se produire, l’un des plus grands chefs de gang du pays, un dénommé Poulet Grillé, eut accès à l’arme nucléaire. Tout d’abord, personne ne le crut. C’était un petit chef de gang, dans un petit pays de misère, qui voulait faire croire au monde qu’il était un libérateur, comment aurait-il pu obtenir pareille arme, même la Corée du Nord, qui s’en vante tout le temps, ne l’aura peut-être jamais…

Mais le chef de gang en question, comme il en est de coutume en Haïti chez les gangs, s’en est vanté sur YouTube. Et l’impossible et l’inimaginable, sous les regards du monde entier sont devenus bien réel. L’assemblée Générale de l’ONU se réunit d’urgence. Les gangs d’Haïti étaient devenus une menace réelle. Une bombe qu’il fallait absolument désamorcer au plus vite avant que des dégâts ne s’en suivent. Mais la réponse des gangs ne tarda pas. L’ONU n’aurait jamais dû retransmettre la séance en direct…

Les chaînes du monde entier, moins d’une heure après, furent obligées de couper leur programme afin de retransmettre une actualité en urgence : une bombe nucléaire venait d’exploser dans les Caraïbes. La carte du monde venait d’être retracée.

Ce texte fait partie d’un ensemble, cliquez ici pour lire la partie 2 :  https://valerydebourg.art.blog/2024/04/17/la-machine-du-chaos-2/

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